Les premiers playtests : ce qui a marché, ce qui a coulé… et les ajustements qui ont tout changé
Quand on crée un jeu, il y a un moment qu’on redoute autant qu’on attend : le premier test en conditions réelles.
Le moment où l’idée quitte le carnet pour rejoindre la table.
Où les amis deviennent cobayes, et où la phrase “vas-y, explique les règles” déclenche un petit frisson.
C’est ce soir-là que Morbleu a pris vie.
La première mise à l’épreuve
On a installé la table, sorti les dés, les cartes imprimées à la maison, les Escudos bricolés dans des bouchons peints à la bombe or.
Ambiance taverne improvisée : rires, bière, un peu de méfiance.
Je lance :
“Bon, le but, c’est simple : vous défiez un autre pirate, vous annoncez un objectif de dés, vous jouez vos cartes, et… que le plus roublard gagne !”
Deux minutes plus tard, c’était le chaos total.
On riait, on trichait, on jurait (“Morbleu !”), on s’agaçait gentiment. Bref : la magie du jeu commençait à opérer.
Ce qui a marché dès le départ
- Le format duel : immédiat, rapide, dynamique. Les joueurs comprennent tout de suite et veulent “reprendre leur revanche”.
- Les cartes de triche : de vrais fous rires. “Je vole ton dé !”, “J’annule ton lancer !”, “Je change ton 1 en 6 !” — ça crée un joyeux chaos.
- Les Escudos : ce petit système de monnaie a apporté une tension ludique, un côté pari : “J’en mise un de plus !”
- L’ambiance pirate : entre les expressions, les insultes d’époque et les blagues, tout le monde jouait le rôle à fond.
Ce qui a coulé (parfois avec le navire)
Mais soyons honnêtes : tout n’a pas été aussi glorieux.
- Certaines cartes étaient trop puissantes : dès qu’on les piochait, la partie tournait court.
- D’autres étaient inutiles : personne ne voulait les jouer, elles “cassaient le rythme”.
- La durée des parties variait trop. Parfois 5 minutes, parfois 30… il fallait stabiliser le tempo.
- Et surtout, la gestion des cartes : on ne savait pas trop quand piocher, combien garder, quand les défausser… un vrai casse-tête à équilibrer.
Les premiers ajustements
Après quelques soirées de tests (et beaucoup de rires), les choses ont commencé à s’affiner :
- Réduction du deck : certaines cartes ont été supprimées, d’autres fusionnées pour garder du rythme.
- Rééquilibrage des effets : chaque carte devait avoir une utilité réelle, ni trop forte, ni anecdotique.
- Nouvelle règle de pioche : si tu n’as plus de cartes, tu peux dépenser 1 Escudo pour en piocher 3 — simple, fluide, et logique.
- Clarification du tour : chaque duel a désormais une structure claire : début — pendant — fin. Chacun sait quand il peut agir.
Ces ajustements ont transformé le jeu.
D’un joyeux désordre, Morbleu est devenu un duel stratégique et drôle, où la triche est permise, mais pas sans risque.
Les leçons du capitaine
- Rien ne vaut un vrai test : sur le papier, tout paraît fluide. En vrai, les joueurs trouvent toujours une faille.
- Écouter sans tout changer : il faut distinguer les remarques de confort (subjectives) et les vrais problèmes de rythme.
- Savoir couper : certaines idées qu’on adore ne servent pas le jeu. Il faut parfois les jeter à la mer.
Cap sur la version 1
À ce stade, Morbleu tenait la mer.
Le cœur du jeu fonctionnait, les rires étaient là, les cartes prenaient vie.
Mais il restait à trouver le juste équilibre : entre hasard et stratégie, chaos et contrôle, humour et tension.
C’est ce que je vous raconterai dans le prochain épisode :
Épisode 3 — L’art délicat de l’équilibrage : quand chaque carte compte, et que la moindre modification change tout.
Et vous, si vous deviez tester un jeu pirate…
vous seriez plutôt tricheur rusé ou flibustier honnête (si ça existe) ?